lundi 12 janvier 2009

Le rêve du samedi soir, suite et fin.

Elle se tient prête. D'un geste vif, elle ramasse le couteau au sol. Un des types arrive vers elle par la droite et lance son poing. Elle esquive le coup et lui plante la lame dans l'oeil. Il hurle et s'écroule, le visage ensanglanté. La plaie est profonde. Elle a percé violemment et le sang s'échappe entre les doigts du type. Elle se tourne alors vers l'autre. Il s'arrête net. Il n'est pas du genre peureux. Il s'est battu plus d'une fois. Il est grand, un peu maigre, mais a foutu quelques bonnes raclés à chaque fois qu'il a pu. Mais cette fille lui fait peur, et c'est une sensation étrange pour lui. Jamais il n'avait vu une fille se battre comme ça, contre deux mecs deux fois plus forts qu'elle et les terrasser en quelques secondes, sans aucun effort apparent. Il ne sait plus très bien quoi faire. Se battre aussi ? Il a confiance en lui, il sait qu'il est plus fort qu'elle. Mais un coup d'oeil au sol lui rappelle les dégâts que cette tarée peut faire. La folie impressionne les plus téméraires. Il lui fait alors face, indécis.

- "Bas alors mon coco, t'as fait dans ton froc ? Tu peux encore te casser, j'en ai rien à foutre de ta vieille gueule de merde.  Je l'ai dit à ton pote tout à l'heure, je suis fatiguée, je veux rentrer."

Il n'ose pas répondre. Elle veut bien le laisser partir, indemne. Il la croit quand elle lui dit qu'elle n'en a rien à foutre. Il la dévisage. Elle n'est pas aussi jeune qu'elle en a l'air à première vue. Ses vêtements sont sales, vulgaires et bon marché. Ses petits yeux sombres sont cernés, rougis. Ses traits sont grossiers, embrumés d'un maquillage outrancier.  Elle le contemple avec dédain, attendant qu'il se décide à agir. Il ne comprends toujours pas comment elle a fait pour rassembler autant de force. Elle est rachitique, sèche. Le genre de meuf qui devrait tomber comme une merde si tu lui fous une gifle. Mais elle est là, postée sur ses talons, les cheveux hirsutes, à attendre gentiment de l'envoyer au tapis avec ses potes. Il transpire comme un boeuf, il sent une peur incontrôlable monter en lui, il ne sait pas quoi faire. Il ne veut pas être mis KO, il ne veut pas mourir. Au fond, il sait qu'il devrait se barrer, sans se retourner et tant pis pour les deux autres. Ils ont voulu jouer et ils ont perdus. C'est la vie. Mais il ne peut pas. Il est cloué au sol, attiré par cette fille dangereuse, pétrifié et tremblant. 
C'est à cet instant qu'il a su pourquoi il avait tellement peur. Il l'a vu dans ses yeux : elle n'a pas peur. Elle n'a pas eu peur, pas même un seul instant. Il en est sûr. C'est comme si elle avait abandonné de ressentir ça depuis longtemps en réalité. Elle est inconsciente, habite son corps comme par défaut, et s'est fait une raison de vivre comme ça. La personne qui n'a peur de rien est certainement celle qu'il faut craindre le plus. Il se dit qu'il doit arrêter ses souffrances, mettre un terme au massacre, soulager cette fille, la laisser dormir. 

Il tourne les talons et se dirige vers la voiture. Il entends les talons de la fille se remettre en marche. Il ouvre la portière et prend son flingue. Il se redresse et tire. Elle tombe. 
- "Bon voyage mademoiselle." 

Aucun commentaire: