mercredi 21 janvier 2009

Sac de noeuds. Deuxième partie.

Micéna et Picalia étaient âgées de vingt-six ans quand je les ai rencontré. Elles étaient d'élégantes jeunes femmes, très distinguées. Leur condition exceptionnelle de siamoise ne les empêchait pas d'être féminines, voire même attirantes. Tout de fois, elles fuyaient comme la peste les propositions obscènes qu'elles recevaient sans cesse.

Puisque j'aborde le sujet, autant faire un point sur le plaisir chez les siamois. Comme je vous l'ai expliqué plus tôt, le corps du siamois est oragnisé différemment du notre. Pour une personne de condition normale, le cerveau est la source de toutes les sensations et sa sexualité lui appartient. Nous ressentons le plaisir à notre façon et si les choses se font correctement, nous découvrons, puis choisissons comment nous faire du bien. Ce concept de plaisir est totalement remis en question dans le cas du siamois. Je développe ici le cas du bitorsique, pour vous aider à comprendre mes deux héroïnes.

Prenez par exemple, un plat que vous aimez, peu importe lequel. Vous ressentez du plaisir à manger, vous le dégustez avec délectation, vos papilles envoient des signaux à votre esprit vous indiquant à quel point vous aimez ça. Vous finissez par vous connaître, par forger votre personnalité. Nos sens nous permettent de vivre en tant qu'individus à part entière. Sans eux, nous ne serions que des robots identiques.


Notre plaisir nous appartient. Chacun ses réactions : nous n'aimons pas les mêmes sons, les mêmes saveurs, nous n'avons pas les mêmes zones érogènes. C'est en partie une question d'électricité. Le réseau de nerfs qui circule dans le corps est relié au cerveau. Lors d'un contact physique, votre sens du toucher vous signale que c'est bon par l'intermédiaire de votre cerveau. Vous pensez : "C'est bon." Physiquement, l'assemblage des substances chimiques et d'électricité de votre organisme opère de savants mélanges hormonaux, avec ce message précis : cette caresse me fait du bien.


(Je prends le parti de ne pas considérer la part émotive ici. Car il est évident que le bagage culturel et émotionnel de chacun influt sur nos sens, mais ce qui m'intéresse ici, c'est le corps en tant que tel.)

Pour des siamois, tout le système des sens s'effondre. Chaque cas est unique et différent.


- le système partagé : Touchez l'un, l'autre le sent aussi. Ils sont en harmonie parfaite et ressentent absolument tout ce que l'autre sent. L'un mange, l'autre ressentira, non pas le goût de l'aliment, mais le plaisir ou le dégoût qu'il procure. La fusion de leur corps est telle que le système nerveux est complètement chamboulé, emmêlé de part et d'autre. ILs sont deux mais ne font qu'un. Malgré deux cerveaux distincts, ils sont en harmonie totale, parlent en même temps, bougent en même temps. En ce qui concerne la vie sexuelle, elle s'opère donc en fusion avec un tiers. Etant donné qu'il n'y a qu'un seul organe sexuel pour deux, le plaisir est équitablement partagé pour les deux frères ou soeurs. (J'ai d'ailleurs eu l'occasion de discuter de ça avec deux frères que j'ai connu, qui recevaient sans cesse des propositions de relations. Ils finirent par se marier avec une femme qui, contrairement aux autres, n'était pas complètement obsédée par ce principe du plaisir partagé.)


- le système parallèle : Touchez l'un, l'autre ne le sent pas. Chaque être est parfaitement indépendant jusqu'à l'endroit où les organes se rejoignent. L'avantage pour les siamois de ce type est qu'ils peuvent chacun développé leur personnalité. Leurs sens sont à eux seulement, et bien qu'ils soient anormalement reliés à une autre personne, ils sont capables de ressentir eux-mêmes les choses. Et puisque leurs systèmes digestifs sont distincts, ils n'ont pas de soucis à commander un plat que l'autre détestera. Ils sont donc deux personnes différentes littéralement attachées l'une à l'autre.


La grande complication de ce cas est bien entendu évidente. S'ils sont deux personnes différentes, mais avec une seule paire de jambes et un seul organe sexuel, comment font-ils pour vivre ?



Comme je vous l'ai dit, il arrive malheureusement que la partie basse du corps ne soit reliée que sur un seul des cerveaux. L'autre siamois se voit alors privé de sexualité, de liberté de déplacement. De ce type d'afflictions découle une longue dépression et très souvent des graves problèmes psychologiques. C'est assez semblable à un handicap moteur, empêchant un sujet de sentir quoi que ce soit dans le bas du corps. Mais il a su ce que c'était de marcher ou d'avoir conscience de son sexe. Il connaît. Bien qu'il en soit privé, il a au moins la chance de savoir et d'en avoir profité. Un siamois qui naît sans être "connecté" ne le saura jamais. C'est pour lui parfaitement abstrait. Comme si l'on tente d'expliquer les couleurs à une personne née aveugle.

Micéna et Picalia étaient encore différentes des cas normaux. Elles étaient de parfaites siamoises. Et si je vous dis "parfaites", c'est parce qu'elles avaient le corps le plus compliqué que j'ai jamais vu...

1 commentaire:

Grand Poulet a dit…

... le silence se fit entendre dans un murmure de néant, il se demandait quand viendrait la suite ...