jeudi 15 janvier 2009

Sac de noeuds.

L'histoire que vous allez lire en tirée de faits réels. Le respect de la vie privée des protagonistes m'oblige cependant à modifier leurs noms.

L'histoire que je m'apprête à vous conter aujourd'hui est celle de Micéna et Picalia. Je les ai rencontré lors d'un colloque médical à Vienne. Elles étaient de magnifiques soeurs siamoises. Vous ne le savez peut-être pas, mais c'est un fait courant de nos jours. Bien sûr, la plupart des enfants siamois meurent jeunes car leurs organes se développent étrangement. Les techniques séparatrices ont beaucoup évolué ces dix dernières années, mais le corps conserve encore bien des mystères. Dans le cas de nouveaux-nés siamois, la survie dépend du type de jonction des corps et du pays dans lequel ils naissent. Pour ceux qui survivent, c'est simplement que la nature a bien fait les choses. Leurs (ou le) corps est suffisamment résistant pour affronter la vie. Pour les autres, gageons que les parents n'avaient sans doute pas une très bonne alimentation.

Il y a les siamois monotorsiques : ce sont ceux qui ont deux têtes mais un même corps. Ceux-là sont peu résistants, ils ne vivent généralement pas plus de trente ans. C'est souvent parce que l'une des têtes souffre de malformations irréparables. La plupart du temps, cette difformité touche l'afflux sanguin vers le cerveau. S'il n'est pas correctement alimenté, ce dernier peut présenter toutes sortes de pathologies. Un des sujets est alors très inférieur à sa moitié, sur le plan psychologique autant que physiologique.  Malheureusement, ces malformations entraînent la mort. Et lorsqu'une des têtes vint à mourir, l'autre est alors sûre de voir sa fin arriver, le système nerveux ne supportant pas l'absence inopinée d'un morceau du puzzle. Sans parler des infections dues à la nécrose des artères et de la peau. Quoi qu'il en soit, il est difficile de s'imaginer vivre tous les jours avec une tête complètement sous-développée à côté de la sienne. 

 Il y a ensuite les siamois bitorsiques, comme nos deux soeurs. Ce type dispose de deux torses parfaitement indépendants, mais d'une seule paire de jambes. Chaque torse a son propre coeur, ses poumons, son système nerveux et son appareil digestif. La jonction s'opère le plus souvent au niveau du bassin. Et c'est là le problème majeur des siamois de ce genre. Puisque chaque sujet s'alimente de façon autonome, il doit évacuer ses besoins quotidiennement. Or, il arrive parfois que seul l'un des sujets ait l'appareil digestif relié aux bons organes, laissant l'autre forcé d'utiliser un système d'évacuation alternatif, facilement mis en place dès la naissance. C'est une procédure relativement simple mais désagréable. Vous ne le verrez jamais dans les films, et c'est pourtant la triste vérité. C'est d'ailleurs la source de graves discordes dans certaines fratries.

Il existe aussi d'autres sortes de siamois, plus simples. On trouve de nombreux cas de jonctions dorsales ou membranes. Un bras ou une jambe pour deux, ce genre de choses. Les médecins tranchent facilement la question de qui va garder le membre dans ces cas-là. Tout dépend de la place des os et des artères. Celui qui serait en danger de mort lors de l'amputation garde la partie à séparer. L'autre jouit alors d'une greffe ou de la mise en place d'une prothèse. Ces cas-là ne sont plus d'un grand intérêt aujourd'hui, car ils sont très fréquents et facilement opérables. La science a mis au point des techniques formidables permettant de remplacer le système nerveux endommagé lors d'une opération, ou encore capable de recréer une moelle épinière à celui qui y laisse un morceau de la colonne vertébrale. Il se peut que quelques personnes de votre entourage ait même subit ce genre d'opération, sans que vous ne le sachiez. La chirurgie esthétique fait de véritables miracles. 

Les cas les plus passionnants pour les médecins restent ceux qui sont unis pour l'éternité l'un à l'autre : ceux ne disposant que d'une seule paire de jambes et d'un seul système reproductif. Et malgré les avancés fabuleuses de la médecine moderne, jamais nous n'avons vu de siamois volontaires pour tenter l'opération. Imaginez une seconde perdre ce qui fait de vous un homme ou une femme au profit de l'autre ? Par ailleurs, le problème majeur des siamois de ce type reste l'usage de ses fameuses jambes. Nous n'avons pas ce problème évidemment, et j'imagine qu'il est très difficile pour vous d'imaginer qu'une autre personne que vous-même puisse disposer de votre corps. Dans le cas des siamois, le suivi psychologique devient absolument nécessaire. Pour bouger, se déplacer, les deux frères ou soeurs doivent sans cesse  s'accorder ! Et là encore, il arrive parfois que l'un ait le dessus sur l'autre... Un  cerveau va avoir le contrôle total des jambes : l'autre sera obligé de toujours négocier ses déplacements, prisonnier de son frère ou de sa soeur. Cette condition mène à de désolantes situations de dépressions nerveuses, voire de suicides. Parfois encore, l'un a le contrôle du sexe mais pas des jambes. Ne vous faites pas d'illusions cependant : les cas d'ententes parfaites et cordiales sont rares ! Bien qu'unis par le corps, les esprits luttent. Lorsqu'un parti est lésé, la rancoeur et la jalousie peuvent mener à des affrontements terrifiants. (J'ai entendu parler de combats de siamois ayant lieu dans certains pays, mais je n'en ai jamais réellement vu).

Chaque cas est différent et unique. C'est donc une question extrêmement pointue et à laquelle aucun médecin n'a pu réellement remédier.

Mais revenons plutôt à nos deux soeurs...

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Passionnant et terrifiant...
Une vidéo de siamoises américaines :
http://www.dailymotion.com/video/xvfob_jai-deux-ttes_events

LaPetiteCécile a dit…

En effet, voici un spécimen tout à fait réussi. Merci Nico!

Anonyme a dit…

la suite, la suite, la suite, je suis accros !

Anonyme a dit…

Merci Cécile pour cet article très intéressant...je cherchais justement ce genre d'infos qu'on ne trouve pas partout. Ce sont vraiment des malformations aux conséquences anatomiques et psychologiques particulièrement hors du commun.